Audioprothésiste Pédiatrique : Entretien avec Cynthia Garel, Audioprothésiste en Occitanie

Cynthia Garel, Audioprothésiste indépendante Sonance Audition, spécialisée en pédiatrie en Occitanie.

À l’écoute des petites oreilles : Audioprothésiste pédiatrique à Perpignan et Salses-le-Château

Cynthia Garel, audioprothésiste Sonance à Perpignan, a choisi de se spécialiser dans la prise en charge des enfants déficients auditifs. Un choix peu répandu et très exigeant, qui lui a paru incontournable pour comprendre et accompagner efficacement les plus jeunes patients et leurs familles.

Quel est le profil de vos patients enfants ? Quels âges ont-ils ? Combien en suivez-vous ?

Je vais avoir du mal à vous indiquer le nombre exact, mais la patientèle pédiatrique représente environ 20% de ma patientèle — à noter : les naissances sourdes ou malentendantes ne représentent qu’1% de la population. Quant à l’âge, ma plus petite patiente est âgée d’un mois et demi. On peut parler de pédiatrie jusqu’à l’âge de 20 ans, même si on considère que la « vraie » pédiatrie s’arrête en général vers 6 ou 7 ans, au moment où les enfants peuvent effectuer une audiométrie  « standard ». Ce n’est pas forcément une question d’âge : chaque situation, chaque parcours est unique.

Qui sont vos patients enfants ? Quelles sont les pathologies concernées ?

Les profils sont vraiment très variés. Il peut s’agir soit de surdités isolées, soit d’enfants qui présentent des syndromes plus ou moins complexes. La perte auditive fait alors partie d’un ensemble de pathologies dont il faut tenir compte lors de la prise en charge.

Quant aux surdités, elles sont très diverses : on rencontre aussi bien des pathologies de transmission, avec des aplasies* majeures de l’oreille (absence totale de pavillon ou de conduit auditif), des aplasies mineures (qu’on appelle microties**), par exemple quand le pavillon est seulement malformé, ou encore des atrésies***, quand le conduit auditif est très réduit. Les patients peuvent également présenter des malformations de l’oreille moyenne, qui ne se voient pas à l’œil nu, par exemple quand la chaîne des osselets est soudée ou qu’il manque un os. Parfois encore, c’est la cochlée qui est réduite ou mal formée, ou encore la cochlée est présente mais non fonctionnelle. Enfin il y a aussi des surdités mixtes, avec un défaut de transmission et de perception, mettant en jeu à la fois l’oreille moyenne et l’oreille interne.

Certaines surdités sont présentes dès la naissance, d’autres sont acquises plus tard du fait d’une infection, de l’environnement, etc. Certaines surdités peuvent être irrémédiables, d’autres pourront bénéficier d’une opération à l’âge adulte. Elles peuvent être stables, fluctuantes ou évolutives. C’est pourquoi je revois systématiquement mes petits patients tous les trois mois, et bien souvent plus fréquemment, selon l’évolution des pathologies.

En quoi la prise en charge des enfants est-elle différente de celle des adultes ?

Ça n’a rien à voir. Une audiométrie d’adulte complète prend en moyenne 15 minutes. Celle d’un enfant peut prendre plusieurs semaines. Pourquoi ? Parce qu’il faut s’adapter aux capacités de concentration de chacun. Si j’ai affaire à un enfant qui présente un syndrome autistique, ou dont la pathologie implique un retard mental ou des incapacités physiques très invalidantes, je ne pourrais pas obtenir ses mesures audiométriques en une seule visite. Il va falloir y revenir plusieurs fois, c’est un travail de longue haleine, qui implique un vrai un partenariat avec les parents. C’est pourquoi je leur explique dès le début le protocole d’appareillage pour leur enfant, afin qu’ils se préparent à revenir me voir régulièrement.

J’imagine que vous n’utilisez pas les mêmes outils que pour les adultes ?

Effectivement, je dispose d’outils spécifiques qui ont été développés pour s’adapter à tous les stades de développement des enfants. Pour les plus petits, nous faisons ce qu’on appelle de la réactométrie : tant que les bébés ne tiennent pas encore assis, on les allonge et on observe leurs réactions aux sons émis par des inserts. Ce sont des réflexes de succion, le réflexe colchéo-palpébral (orientation des yeux vers la source sonore), le réflexe de Moro, etc.

Quand ils sont un petit peu plus grand, j’utilise le ROC, un acronyme qui signifie réflexe d’orientation conditionné : les enfants sont assis sur les genoux de leurs parents, et je les conditionne à tourner la tête du côté de la source sonore à l’aide de marionnettes lumineuses et animées en récompense.

Dès que l’enfant a suffisamment de motricité, on passe à différents jeux à base de cubes à jeter ou d’empilements. Le principe son-action est le même : au moment où il entend le son, l’enfant jette un cube dans un petit récipient, ou empile une pièce du jeu. Enfin quand ils sont en âge, j’utilise le TV show, ce qui se rapproche le plus d’une audiométrie adulte. Le principe est le même, appuyer sur un bouton quand on entend un son. La grosse différence c’est que l’enfant obtient une « récompense » sous forme d’un extrait de dessin animé.

Vous remarquerez que je n’indique pas d’âge pour l’utilisation de ces différentes techniques : il faut s’adapter aux pathologies et aux capacités de chacun. Pour certains enfants, à 2 ans le test des cubes convient très bien, pour d’autres, porteurs de pathologies lourdes, les marionnettes sont encore nécessaires à 13 ans.

Listes de Boorsma Sonance Audition, outil pédiatrique précieux pour réaliser l’audiométrie vocale
des tout-petits à destination des audioprothésistes et des ORL…
Listes de Boorsma, outil complémentaire pour réaliser l’audiométrie vocale
des tout-petits…

Comment cela se passe-t-il avec les parents ? Ça doit être quelque chose de les rassurer, de leur expliquer la pathologie de leur enfant et comment l’accompagner ?

Dans tous les cas, la prise en charge d’un enfant doit être globale. Il faut tenir compte de son entourage et de sa capacité à l’accompagner.  C’est vraiment primordial pour un audioprothésiste pédiatrique de savoir s’adapter à ce contexte.

Au premier rendez-vous, je passe en général plus de temps à répondre aux interrogations parents, à sonder le degré d’acceptation de la surdité, qu’à tester l’enfant. Les parents peuvent être dans le déni : ils viennent au rendez-vous prescrit par l’ORL, mais souvent, ils se persuadent que leur enfant entend. Ils ont de nombreuses questions sur l’audition, il faut reformuler ce qui s’est dit chez l’ORL, réexpliquer avec d’autres mots.

L’annonce de la surdité a un impact fort. Les parents se projettent et ont de multiples questions sur l’entrée à l’école, le regard des autres, et même sur l’avenir de leur enfant à plus long terme. J’ai souvent des questions sur ce qu’il va pouvoir faire avec son handicap, quel métier il pourra exercer, si leur enfant va être restreint à certaines choses… C’est normal d’avoir ce genre de questions, on a affaire à des parents qui sont souvent stressés, angoissés, et qui ont eux-mêmes besoin d’écoute et d’accompagnement.

Au premier rendez-vous, je passe en général plus de temps à répondre aux interrogations des parents qu’à tester l’enfant

Précisément, comment préparez-vous les enfants et leurs parents à vivre avec ce handicap en société ? Je pense au regard des autres à l’école notamment.

La surdité est un handicap invisible. Donc pour certains, l’audioprothésiste n’est pas « sympa » parce qu’avec l’appareil, on rend visible une pathologie qui ne se voyait pas avant. Ce sont plutôt les parents et l’entourage qui ont peur du regard des autres. Lorsqu’ils sont jeunes, les enfants n’ont en général aucun problème avec le fait de montrer leurs appareils.

Il m’arrive régulièrement d’aller dans des classes à la demande des parents qui craignaient que leurs enfants soient stigmatisés. J’ai fait des interventions à tous les niveaux, de la maternelle au collège. J’y explique ce qu’est un appareil et pourquoi l’enfant en question en porte. Il en ressort que finalement, les enfants ont énormément de questions, même en maternelle, mais qu’une fois le sujet abordé, en général c’est terminé, les enfants l’acceptent très bien.

Une fois le sujet abordé, en général c’est terminé, les enfants l’acceptent très bien.

Comment devient-on audio prothésiste spécialiste pédiatrique ? Et pourquoi ?

Après mon diplôme d’état d’audioprothésiste à Montpellier, j’ai passé un diplôme universitaire d’audiophonologie et otologie de l’enfant à Paris, puis j’ai suivi des cours à l’institut Portman de Bordeaux qui m’ont permis d’approfondir la pratique. J’ai ensuite eu la chance d’être accueillie au sein du CHU de Montpellier dans l’unité ORL pédiatrique. Pour moi, il était inconcevable de devoir prendre en charge des familles sans savoir ce qui se passait en amont, connaître la phase de tests et de diagnostic. Le parcours d’un patient enfant ne doit pas être scindé entre les différentes phases : l’ORL, puis l’audioprothésiste, puis l’orthophoniste… Il implique au contraire une communication intense au sein de l’équipe constituée autour de l’ORL qui agit un peu en chef d’orchestre. S’y associent aussi des psychologues, des psychomotriciens, des éducateurs spécialisés, les acteurs du CMP et, dans notre département, le Service d’Éducation Auditive, qui prend en charge des enfants déficients auditifs.

Comment vous sont adressés vos patients pédiatriques ?

Depuis la mise en place du dépistage néonatal systématique dans les maternités, les surdités sont repérées et prises en charge dès la naissance. Perpignan dépend du RPO (Réseau Périnatalité Occitanie).

Les enfants dépistés sont diagnostiqués directement par les ORL pédiatriques des Pyrénées Orientales, puis ils sont orientés vers les ORL du CHU de Montpellier ou de Toulouse pour une confirmation de diagnostic. Ils me sont adressés par la suite.

Pour terminer, quel moment fort, quelle anecdote pourriez-vous partager ?

Il y en a tellement ! Chaque prise en charge est un moment fort. Disons que je pense que la totalité des stagiaires que j’ai eus ont pleuré en même temps que les familles à la mise en place du premier appareillage d’un enfant. La surprise, la joie des enfants, c’est irrésistible !

* Aplasie : atrophie d’un organe due à un arrêt ou une insuffisance de développement d’une ébauche embryonnaire

** Microtie : malformation congénitale de l’oreille qui se traduit par la présence d’une petite oreille, voire l’absence totale d’oreille et de conduit auditif externe.

*** Atrésie : malformation congénitale ou acquise d’un conduit caractérisé par sa fermeture complète ou partielle.

Pour prendre rendez-vous avec Cynthia Garel, suivez ces liens :

Perpignan

Salses-le-Château

Le centre Sonance Audition de Cyn thia Garel audioprothésiste pédiatrique à Perpignan.