Implants Cochléaires : Entretien avec Thibault Béal, Audioprothésiste dans le Nord

Thibault Béal, audioprothésiste depuis 2010, a rejoint le réseau Sonance, avec son associé Jérôme Brimont, en 2021. En plus de son activité bien remplie en laboratoire, il est aussi régleur d’implants cochléaires au CHU de Lille. On a voulu en savoir plus…

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un implant cochléaire ? Qu’est-ce qui le différencie d’un appareil auditif traditionnel ? Quel est le rôle de l’audioprothésiste ?

Contrairement aux aides auditives traditionnelles, qui amplifient les sons, le principe de fonctionnement de l’implant cochléaire est de stimuler directement l’oreille par des impulsions électriques. Pour cela, on installe un faisceau d’électrodes dans la partie de l’oreille interne qui s’appelle la cochlée. Ce faisceau est relié à un élément situé sous la peau du crâne, qui comporte un aimant et une antenne. C’est cette partie-là qui constitue l’implant proprement dit. Une antenne aimantée assure le transfert d’informations de la partie externe – cela ressemble à un appareil auditif classique –. Elle est constituée de microphones, pour capter le son et d’un processeur chargé de le transformer en information électrique. 

Mon rôle en tant que régleur d’implants au CHU de Lille, c’est de régler cette partie externe et d’en assurer le suivi durant toute la vie du patient.

À quel type de perte d’audition, de pathologie ces implants répondent-ils ?

Les critères d’implantation sont précis, listés par la Haute Autorité de Santé : il faut constater une surdité profonde ou sévère (discrimination égale ou inférieure à 50%), et que la correction par une aide auditive classique n’apporte pas un bénéfice suffisant. 

La pose d’un implant nécessite une intervention chirurgicale : ça ne se décide pas à la légère. De plus, le coût de l’appareil est conséquent, de l’ordre de 20000 € pour une seule oreille, pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie. 

L’âge détermine-t-il la prescription d’un implant cochléaire ?

Il n’y a pas d’âge limite pour être implanté, ni dans un sens ni dans l’autre : j’ai des patients de 90 ans implantés après une longue histoire de surdité évolutive, et aussi des petits patients de 6 mois. Il est très important d’implanter le plus rapidement possible les cas précoces de surdité profonde : il faut éviter que l’enfant s’habitue à ne pas recevoir de stimulation nerveuse depuis l’oreille. Plus l’intervention est tardive, plus on risque de rencontrer des difficultés. 

Certains patients présentent aussi, à tout âge, une dégradation soudaine ou très rapide de l’ouïe, due à un virus par exemple. Mais la majorité des patients que je vois à l’hôpital sont des adultes avec des surdités évolutives, sur des dizaines d’années. Ils ont été appareillés, l’appareillage renouvelé plusieurs fois, jusqu’à ce que la surdité soit trop importante et qu’on envisage une implantation.

Quels sont les bénéfices d’une telle démarche ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Il s’agit quand même d’une intervention lourde !

En tant que régleur d’implants au CHU de Lille, j’ai affaire à des sourds profonds. C’est une patientèle très différente de la patientèle que nous retrouvons dans nos centres d’audition, qui offre une autre vision de la surdité. Les surdités profondes sont très incapacitantes, avec des conséquences importantes en termes d’insertion. L’implant cochléaire apporte la plupart du temps un bénéfice énorme, avec des patients qui construisent ou retrouvent une vie sociale nettement améliorée : c’est assez fantastique !

Tout ce qui concerne les implants cochléaires, la pose comme les réglages ou l’entretien, s’effectue donc à l’hôpital ? Vous ne les recevez pas dans votre propre laboratoire ?

En France, tous les patients porteurs d’implants cochléaires doivent être suivis à l’hôpital. En revanche, de nombreux patients portent un implant sur une oreille, alors que l’autre oreille fonctionne encore assez bien pour être corrigée par une aide auditive classique : c’est ce qu’on appelle la bimodalité. Ces patients-là, je les suis au CHU pour l’implant, et je peux être amené à les suivre dans mon laboratoire pour leur appareil auditif conventionnel.

Avez-vous du suivre une formation universitaire pour acquérir cette compétence ?

Passer un diplôme n’est pas indispensable mais oui, j’ai effectivement suivi le Diplôme Universitaire « Audioprothèses Implantables » à La Sorbonne à Paris, après mon diplôme d’audioprothésiste et une dizaine d’années d’exercice. J’aime bien comprendre mon domaine d’activité, et transmettre à mon tour : je suis aussi enseignant à l’école d’Audioprothèse de Lille.

Est-ce que cette expérience de régleur d’implants vous confère une compétence spécifique ?

Il est certain qu’en ce qui concerne les patients bimodaux notamment, mon expérience de régleur au CHU m’offre une plus-value pour le réglage et l’équilibrage entre l’implant et l’appareil conventionnel.

Ça m’éclaire aussi pour repérer les patients en limite de capacité d’appareillage, et pour qui on pourrait envisager bénéfiquement une implantation. Des patients implantés, bimodaux ou pas, j’en rencontre toutes les semaines, alors que mes confrères qui n’ont pas cette compétence n’ont que rarement l’occasion de s’y confronter : les surdités profondes ou sévères représentent une petite partie de la patientèle d’un audioprothésiste.

Enfin, la technique de réglage d’implants étant basée sur une échelle d’évaluation sonore, cela m’a conduit à remettre en question et à améliorer mes réglages d’appareils auditifs classiques.

Dernière question : est-ce que vous êtes amené à pratiquer la langue des signes française (LSF) avec vos patients implantés ?

La réponse est non, pour la bonne raison que les personnes qui « signent » sont généralement des sourds profonds de naissance, qui ont développé des capacités langagières spécifiques et, le plus souvent, ne souhaitent pas être implantés. La pose d’un implant se fait toujours au bénéfice du patient, et avec son accord exprès, après avoir tenté des solutions conventionnelles. Donc dans ma pratique d’audioprothésiste comme dans celle de régleur d’implants, je n’ai pas l’usage courant de la LSF.

Pour prendre rendez-vous avec Jérôme ou Thibault, c’est par ici :

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